« _ Les entraineurs ajoutent encore une séance physique le mardi ! Avec ses 3 entrainements d’une heure et demie par semaine, son match le week-end et le sport à l’école en plus… ! Ils oublient que mon fils a seulement 10 ans, il va être crevé ! »
Pourtant du réveil au coucher cette même maman constate que son enfant ne semble jamais s’arrêter. Alors d’où vient cette énergie débordante ? Est-elle vraiment si durable ou juste le fruit d’une sorte d’excitation ponctuelle ? Faut-il réellement y prêter attention pour protéger les enfants en modérant leur activité ou au contraire s’en féliciter et l’encourager ?
Quid de leur capacité musculaire ?
Plusieurs expériences ont montré que les muscles des enfants se fatiguent plus lentement que ceux des adultes. Or ces résultats semblent défier la logique puisque les enfants ayant des jambes plus petites, ils font plus de mouvements : ils devraient donc, en théorie, dépenser davantage d’énergie.
De plus leurs tendons emmagasinent moins d’énergie susceptible d’être réutilisée lors des phases de poussée au sol.
Enfin, par inexpérience ou schéma moteur imprécis, ils activent davantage certains muscles qui s’opposent au mouvement. Ils consomment donc plus d’énergie que les adultes.
Alors pourquoi les enfants sont-ils si endurants ?
Quid de leur système énergétique ?
Cette endurance remarquable s’expliquerait en partie par une utilisation « optimisée » des filières métaboliques. Les filières anaérobies (en l’absence d’oxygène) produisent beaucoup d’énergie en peu de temps (moins de 7-8 secondes) mais engendrent une fatigue très rapide. La filière aérobie (en présence d’oxygène) produit moins d’énergie en peu de temps mais permet de pratiquer plus longtemps.
Et bien la science a montré que les enfants utilisent davantage l’énergie d’origine aérobie, ce qui diminue la production de fatigue immédiate. Leur métabolisme aérobie s’activant aussi plus vite que chez les adultes, ils sollicitent moins l’énergie anaérobie au démarrage.
Il apparait que les enfants disposent en fait d’une plus grande proportion de fibres musculaires à contraction lente, qui ont une activité enzymatique génératrice d’énergie aérobie plus importante.
L’étude Franco-Australienne de 2018 (1) nous apprend que les enfants auraient non seulement des muscles ultrarésistants à la fatigue, mais aussi des capacités de récupération parfois supérieures à celles d’athlètes de haut niveau !!!
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mesuré notamment : les fréquences cardiaques, les niveaux d’oxygène et la vitesses d’élimination des lactates après un exercice physique. Le tout sur trois groupes d’individus : des garçons entre 8 et 12 ans, des adultes non entraînés et des sportifs (d’endurance) de haut niveau. Lors du premier test la puissance augmentait jusqu’à épuisement pour mesurer leur capacité aérobie maximale. Lors du second, les sujets sprintaient « à fond » pendant trente secondes.
Quid de leur capacité de récupération ?
Les résultats sont plutôt surprenants. Nous avons vu ci-dessus que les enfants utilisaient mieux leur métabolisme aérobie que les adultes, de quoi les préserver de la fatigue excessive durant l’effort. Il a aussi été démontré qu’au cours de l’effort intense, les enfants sont autant résistants à la fatigue que les athlètes endurants (avec une perte de puissance d’environ 40%) et moins fatigables que les adultes non entraînés (50% de perte environ). D’accord pendant… mais après l’effort ? Et bien ils retrouvent un rythme cardiaque de repos et ils éliminent les lactates parfois même plus rapidement que les athlètes de haut niveau !
La consommation d’oxygène diminue après l’effort de façon identique chez les enfants et chez les athlètes. La baisse de la fréquence cardiaque et l’élimination du lactate étaient également aussi rapides dans les deux groupes (et logiquement plus rapides que chez les adultes sans entraînement).
Ces résultats démontrent que les muscles des enfants récupèrent plus rapidement des efforts très intenses. Ils semblent donc expliquer pourquoi les enfants parviennent, contrairement à la plupart des adultes, à produire des efforts répétés si aisément.
Conclusion ?
Il ne semble d’abord pas opportun de travailler l’endurance aérobie avant la puberté. Il semble plus cohérent de développer la vitesse, et surtout porter une attention particulière sur les compétences motrices et le renforcement musculaire des enfants.
Les chercheurs rappellent ensuite que les autorités sanitaires préconisent 60 minutes de sport par jour pour les enfants, et qu’il faut développer des politiques plus incitatives pour qu’ils réalisent effectivement ces heures. Car malheureusement, selon les chiffres de l’OMS, seuls 20 % des jeunes appliquent cette préconisation. Une activité physique en club additionnée au sport pratiqué à l’école ne suffisent que rarement aux enfants pour pratiquer autant de sport qu’il faudrait… alors que nous n’évoquons ici que les enfants sportifs « licenciés » !
Il est admis depuis longtemps que cette problématique est un véritable enjeu de santé publique mais politiques, éducateurs, parents et enseignants doivent maintenant proposer de nouvelles stratégies pour pousser tous les enfants à faire du sport. Et pas n’importe quel type d’effort, précise Grant Tomkinson, professeur au département éducation, santé et études comportementales à l’université de Dakota du Nord (3) : « l’activité doit être soutenue et dynamique, et doit faire transpirer. La marche, le vélo et la course à pied sont à privilégier car ils font intervenir des muscles volumineux qui réclament davantage de ressources énergétiques pour fonctionner. »
Ces mesures seraient-elles suffisantes pour protéger nos plus jeunes de futures éventuelles pathologies cardiovasculaires ? Et bien ce n’est même pas certain ! Une étude parue dans la revue BMC Medicine se montre plus exigeante encore sur les préconisations en conseillant 80 minutes d’activité physique par jour pour les enfants, dont 20 minutes intenses.
Que toutes les mamans se rassurent donc : il faut bien entendu rester à l’écoute de nos jeunes sportifs et très attentif à leurs comportements mais le surentrainement reste un phénomène isolé. Leurs capacités, notamment de récupération, sont à peine croyables. Peut-être devrait-on davantage s’inquiéter du manque d’activité (et en particulier d’efforts intenses) de l’immense majorité de nos enfants.